1. La gestion des textures dans le design

La gestion des textures dans le design

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La gestion de la texture tient un rôle essentiel dans le rendu d'une production en design graphique. Hollie Gach, responsable texture à la TAT(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre), répond aux questions de Canva pour vous dévoiler les secrets de sa pratique professionnelle au quotidien.

La sortie du film d'animation Terra Willy, planète inconnue est le 3 Avril

Comment on devient responsable texture dans un studio d'animation ? En quoi consiste la texture dans le design ? Quelles sont les références à connaitre ?

Nous avons eu la chance d’interviewer Hollie Gach, responsable texture au sein du studio d’animation TAT Productions(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre) qui produit des courts et longs métrages destinés aux enfants, pour la télévision et le cinéma. A l'occasion de la sortie du film d'animation français Terra Willy, planète inconnue, le 3 avril prochain, produit par TAT Productions, nous l'avons interrogée sur son parcours, son métier, et son approche de la texture dans le design.

Responsable texture, c’est un choix professionnel peu commun : qu’est-ce qui t’a donné envie de te tourner vers ce métier ?

J’ai commencé mes études par la faculté de médecine. Mais après avoir été recalée au concours, ma petite sœur m’a prise par la main : “Tu adores dessiner, un cursus 3D vient d’ouvrir dans une école d’arts appliqués (l’ESMA(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre)), prends ton book et demande une interview”. Et j’ai été sélectionnée !

La formation porte à la fois sur l’expression artistique en 2D (cours de dessin, réalisation de courbes dynamiques de silhouettes, perspective, sculpture, peinture), mais la majeure partie du cursus se déroule sur ordinateur, sur des logiciels de 3D.

En dernière année, la réalisation d’un court métrage comme projet de fin d’étude nous pousse au-delà de nos limites. Il faut alors apprendre à devenir indépendant, à résister au stress et à l’angoisse générés par les dead-lines.

Crédit : Unsplash

Sais-tu d’où t’es venue cette passion pour le dessin ? Quel était ton rapport à l’art, sa place dans ta vie, pour avoir envie de te diriger vers une carrière artistique ?

J’ai toujours baigné dans cet univers. Ma mère est artiste peintre et j’ai appris à dessiner en commençant par copier sa technique. Passionnée d’histoire de l’art, elle me parlait souvent du Caravage, de Picasso. Elle m’achetait des livres et albums sur les grands peintres, les impressionnistes, les fauvistes. Très jeune, j’ai construit des connaissances théoriques qui m’ont donné une sensibilité à l’art, une certaine vision des choses.

Crédit : Unsplash

Pourquoi t’es-tu orientée vers la texture en particulier ?

La texture m’a toujours intéressée : même si j’adorais dessiner étant enfant, j’étais surtout passionnée par les aquarelles, qui nous amènent justement à réfléchir sur les différentes textures des objets : les ombres, les lumières, la séparation entre les éléments, les textiles, comment reproduire une roche, faire ressortir l’ombre de la mousse sur la roche…

Au niveau professionnel, on m’a offert l’opportunité de faire mes preuves en intégrant le pôle texture des deux premières saisons des As de la jungle.(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre) Aujourd’hui, cinq ans plus tard, j’ai grimpé dans la hiérarchie en passant de simple graphiste à chef texture, et j’encadre une équipe de cinq graphistes.

Ombres, lumières… D’un point de vue technique, de quels éléments est composée une texture ?

La texture regroupe deux choses : les couleurs, et le shader, c'est-à-dire le matériau.

Les couleurs sont perçues par l’œil et vont donner le relief. Le shader est composé de la couleur perçue et de sa capacité à réfléchir la lumière (spéculaire). Si le spéculaire est diffus ou foncé, on aura un rendu mat, tandis que s’il est ponctuel, la matière apparaîtra mouillée, brillante, en plastique ou en verre.

C’est la combinaison de tous ces éléments qui permet de retranscrire le réalisme de la matière, de réfléchir les éléments qui l’entourent, de matérialiser le relief.

Crédit : David Clarke, Unsplash

Comment s'y prendre pour texturer et intensifier une image ? Quel sera l’impact obtenu ?

Il y a toujours une histoire à raconter, un cheminement. La texturation permet de faire ressortir le détail sur lequel on cherche à amener l’œil du spectateur. Une image peut être très belle, mais c’est la texture qui va donner à l’œil l’envie de l’explorer.

Concrètement, on peut donc par exemple foncer le fond, l’arrière plan, afin de mettre en avant la couleur de l’œil d’un personnage. On ajoute du contraste, on déssature les objets annexes. C’est en jouant sur les oppositions, les corrélations entre les différents éléments qu’on va gagner en intensité et permettre au regard de se focaliser.

Quand je crée par exemple la paroi rocheuse d’une falaise, c’est l’ajout de boue et de rochers incrustés qui vont lui donner son réalisme. Tous ces éléments sont intégrés, se répondent, se raccordent les uns aux autres.

Crédit : Brian Pat, Unsplash

Les sols, par exemple, seront travaillés avec des shaders, des textures tileables, c’est-à-dire possédant des capacités de répétition à l’infini. On va ensuite mixer plusieurs matériaux pour éviter ces répétitions, ajouter des détails, de l’herbe, des plantes, des insectes rampants, des champignons, des cailloux, des rochers, des arbres plantés, des racines, puis ajouter un masque pour homogénéiser le tout.

Cependant, beaucoup de films aujourd’hui sont très contemplatifs. Dans ce cas, on apporte un soin particulier à la zone de jeu, mais également à tout le décor, car on va chercher à inviter l’œil du spectateur à voyager.

Quelle est la différence entre travailler la texture sur une photo, immobile, ou sur une vidéo, en mouvement ?

Dans le cadre de l’animation 3D, une image fixe, seule, peut toujours appartenir à un mouvement de caméra. Même si nous travaillons à partir d’images fixes, nous devons toujours garder à l’esprit qu’elles ont vocation à être mises en mouvement.

C’est pourquoi la sémiologie de l’image est essentielle. Des éléments composent le fond, tandis que l’action se déroule dans une zone de jeu sur laquelle la caméra se focalise. Mon travail consistera à permettre au spectateur de maintenir son regard sur l’action, et de ne pas se laisser distraire par les décors en arrière-plan.

Est-ce que tu penses que les évolutions technologiques ont eu un impact dans la considération que l’on peut avoir de la texture en général ?

Oh oui, très largement ! De nos jours, dans le domaine de la 3D, c’est sur la réalisation des textures qu’il y a le plus d’avancées. C’est le département qui évolue le plus, et le plus rapidement. On vise la précision extrême, le détail microscopique, et on cherche à le reproduire à très grande échelle.

Terra Willy : le film TAT Prod en salles dès le 3 avril 2019.

Dans notre métier, les processus de fabrication de modélisation sont en perpétuelle évolution, on doit constamment se former et apprendre sur le tas pour ne pas prendre de retard.

Et au niveau de l’esthétique, y a-t-il eu une évolution du rendu visuel ?

Oui, et notamment sur notre dernier film en production, Terra Willy. Sur le conseil de mon assistant Youssef Lakssir, nous avons intégré de nouveaux programmes au processus de fabrication, dont le rendu est superbe… On atteint un niveau de détail infini et microscopique !

Terra Willy, le nouveau long métrage animé du studio TAT Prod, sortie 3 AVril 2019

Plus spécifiquement, tu travailles dans le monde du cinéma, dans le but de projeter des séquences immersives sur écran géant. Quelles sont les particularités à mettre en œuvre ?

Pour le cinéma, c’est la taille de l’image de base qui va avoir toute son importance.

Si on prend l’exemple d’Instagram sur smartphone, les images vont être de l’ordre de 500 x 500 pixels. Au cinéma, on travaille sur des textures en 8K (8192 x 8192 pixels) pour chaque objet. On doit anticiper afin que l’objet puisse être vu soit en gros plan, soit dans les mains d’un personnage. Les points de détails, si petits soient-il, doivent donc être travaillés à très grande échelle.

Concernant les décors, on doit tenir compte en amont du jeu de caméra, des zones où va se dérouler l’action afin de les travailler minutieusement. En revanche, pour tout ce qui est hors cadre, on n’est pas aussi pointilleux. Si je travaille sur une colline, et que l’action se passe uniquement sur le versant de droite, je ne m’amuserai pas à réaliser un travail aussi précis sur le versant de gauche, que l’on ne verra peut-être jamais.

Terra Willy, dont la sortie est prévue sur les écrans en avril 2019, s’adressera à un public enfantin. Comment vous adaptez-vous à l’œil du jeune spectateur, notamment dans le choix des couleurs ou des symboliques ?

L’action de Terra Willy se déroule dans un monde qui a pour but de séduire les enfants. On s’est vraiment beaucoup amusés à se mettre à leur place.

Nous avons envie de leur proposer d’explorer des choses qu’ils ne pourront jamais voir ici, sur Terre, leur offrir une touche de fantaisie extraterrestre. Certains détails minuscules vont devenir gigantesques, comme des plantes reproduites avec une échelle multipliée par 50. Je trouve cela merveilleux de créer, de jouer avec les échelles et les couleurs.

Nous avons d’ailleurs pris beaucoup de liberté au niveau des couleurs et des textures, pour dépasser le réalisme. Par exemple, les décors dégagent une impression alléchante. On voulait qu’ils aient l’air délicieux, comme des bonbons.

Terra Willy, le nouveau long-métrage TAT.

Comment avez-vous trouvé l’inspiration pour créer ces textures extraterrestres ? Quelle est la part de créativité ? La part de recherche sur le terrain ?

Nous sommes évidemment appelés à être inspirés, à interpréter. Mais le département texture travaille toujours en lien étroit avec les autres équipes.

Au sein de la TAT, le département de recherche graphique a travaillé sur Terra Willy pendant 3 ans. Après des phases de recherche créative, suivies de nombreux tests, les idées sont soumises aux autres équipes, notamment la réalisation. Il s’agit d’un gros travail de groupe, avec de nombreux allers-retours, qui permettent d’aboutir in fine à l’identité visuelle du film.

Source : TAT Prod

Tout ce que nous créons en texture, et tout ce qui a pu être modélisé en amont, vient des prescriptions de la recherche graphique. On me donne une couleur majeure, la variante qui suit, l’intention climatique, la localisation de l’élément par rapport à la caméra. Alors même si une place est toujours laissée à l’interprétation, nous devons travailler conjointement et veiller à aller tous ensemble dans la même direction.

Pour élargir un petit peu ce domaine, peux-tu nous citer quelques unes de tes références dans le domaine de la texture, des œuvres qui t’ont bluffée ?

(pensive, le sourire aux lèvres) Je me souviendrai toujours de cet instant. J’étais allée voir Dragon au cinéma, et au moment où le personnage principal chevauche son dragon, qu’ils volent entre les immenses rochers pour la première fois, j’ai pleuré… J’ai trouvé ça techniquement tellement beau ! Je venais tout juste de commencer la 3D et j’ai fondu en larmes tellement j’étais émue. Je découvrais un monde, et j’étais si heureuse d’en faire partie ! Je repense souvent à ce moment, ça me donne des frissons.

Mais sinon, depuis tout gamine, j’ai toujours adoré les films qui se déroulent en extérieur, dans la nature, dans les bois, les forêts, avec des falaises, des cascades, des espaces souterrains… Même si j’apprécie également les films avec des décors contemporains et citadins, car on y trouve des briques, du béton, des poteaux et des tuyaux, c’est surtout le côté nature qui m’attire.

Je pense notamment à Robin des Bois (1991) avec Kevin Costner et Alan Rickman, Rob Roy (1995) qui se déroule dans les Highlands, en Ecosse, Highlander (1986) avec Christophe Lambert. Dune le film (1984) et la mini-série (2000) m’ont énormément marquée, notamment lors des scènes souterraines, dans la grotte, les tunnels, les étendues d’eau… Si l’on occulte les effets spéciaux de l’époque !

Et si on remonte encore plus loin, je me souviens d’un livre que je lisais souvent, gamine, sur les mondes sous-marins. On y voyait des fossiles, des créatures des fonds marins luminescentes, comme un coquillage ou un arc-en-ciel, ça me fascinait aussi… Et sinon, j’ai toujours adoré et collectionné les roches et les cailloux !

Et d’un point de vue plus pro, l’entreprise Texturing.xyz(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre), créée par Jeremy Celeste (l’un de mes anciens profs à l’ESMA Toulouse) est à l’avant-garde de tout ce qui est définition texture. Ils ont développé une plateforme de vente de textures, avec un rendu précis jusqu’au pore de la peau (qui est à ce jour le détail le plus fin que l’on puisse obtenir). Leur technique est unique au monde, et ils ont pour clients les plus grands studios d’animation internationaux.

Crédit : Texturing XYZ

Pour finir, est-ce que tu aurais des outils à nous partager, comme des bases de données de textures, des répertoires d’archives, des sites de veille ?

On peut trouver énormément de choses en téléchargement libre sur internet. Il suffit de taper la requête “texture tileable” dans un moteur de recherche, ou le nom du matériau recherché (exemple Bois + Tileable), et on peut trouver des textures déclinables à l’infini. C’est une très bonne base.

On peut aussi se référer aux sites Substance Share(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre) et Textures.com(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre) . Ce dernier permet de télécharger gratuitement, de façon limitée, un certain nombre de textures ( il existe aussi des abonnements premium). C’est une base de données que j’ai beaucoup utilisée lorsque j’étais étudiante.

Ensuite, il y a énormément de sites qui permettent de télécharger de la modélisation 3D gratuitement, mais je le déconseille car ce sont souvent des modélisations qui ne sont pas propres, et qui ne sont pas utilisables pour créer des textures 2D.

Enfin, notre activité étant en renouvellement perpétuel, il est essentiel de s’informer pour faire évoluer nos méthodes. En terme de veille, je pense notamment au site 3DVF(s’ouvre dans un nouvel onglet ou une nouvelle fenêtre), une référence qui communique constamment au sujet des dernières innovations technologiques.

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